TAFTA : un danger pour l’agriculture française ?

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Le TAFTA a initialement pour objectif de normaliser et d’harmoniser les transactions économiques entre les pays occidentaux ; A l’instar du CETA le traité transatlantique comporte donc des mesures visant principalement à libéraliser le marché. Mais lorsque l’on se penche en détail sur les lois américaines et européennes, un fossé abyssal les sépare : d’un côté l’Europe et en particulier la France ont mis en place un système complexe de normes et de lois visant à assurer des standards de qualité conformes aux attentes des citoyens européens, et d’un autre côté les Etats-Unis mènent une politique libérale depuis plusieurs années afin de favoriser leurs exportations de biens agricoles à destination des pays en développement. Les deux continents n’ont clairement pas la même stratégie agricole et les Etats-Unis ne semblent a priori pas prêt à renoncer à leur modèle d’agriculture productiviste.

Si le traité souhaite mettre à un pied d’égalité les deux continents, cela ne signifie-t-il pas inévitablement une perte de qualité et de débouché pour le secteur agricole français compte tenu de la structure actuelle du modèle agricole européen ?

Une remise en cause des normes en vigueur européennes ?

Au cœur des négociations internationales se trouve le cas des normes et des réglementations. Et d’une certaine manière, quel que soit le sujet de débat, l’entièreté des négociations repose sur la volonté ou non des nations de modifier leurs textes de lois.

Le parlement européen a ainsi récemment publié un plaidoyer en faveur d’un traité transatlantique pro-libéral : selon les prévisions du parlement l’Europe pourrait réaliser plus de 119 milliards d’économie d’ici 2027, un bénéfice modeste mas réel si l’on considère la durée et le nombre total d’adhérents au programme. Cependant l’Europe comme les Etats-Unis ont mis sous silence la modification des règles environnementales et sanitaires pour les exploitations agricoles. Pour ne citer que quelques exemples révélateurs la fin des restrictions légales concernerait aussi bien l’usages de pesticides jugés dangereux par l’Union Européenne que le recours aux hormones de croissance dans les élevages bovins et porcins.

tafta hollandeLa négociation n’est cependant pas à sens unique, l’Europe et les Etats membres négocient pour conserver les labels et les réglementations qu’ils jugent indispensables à leur économie, c’est le cas en France pour le vin ou le fromage. En tant que premier pays agricole européen la France a en outre un poids supérieur à ses voisins concernant les questions agricoles et a donc intérêt à défendre vigoureusement ses gages de qualité. L’arrêt des négociations intervenu fin avril prouve d’ailleurs que les velléités de chaque acteur n’ont pas abouti à un consensus satisfaisant pour l’Europe.

Il reste néanmoins compliqué de juger le corps du traité à l’heure actuelle, le processus n’en est qu’à son 13ème cycle de négociation, un stade relativement intermédiaire lorsqu’on le compare aux autres cas de négociations économiques et environnementales.

Comment juger l’impact réel du TAFTA ?

Les bénéfices liés à la signature d’un tel traité ne seraient évidemment pas nuls, mais ils impliqueraient à l’heure actuelle des sacrifices conséquents pour plusieurs pans de l’agriculture française. En effet, si l’on se place du point de vue de l’industrie agro-alimentaire, l’ouverture accrue des frontières avec les Etats-Unis aurait (potentiellement) un impact positif sur la production et la vente de marchandises grâce à l’apport de nouveaux marchés productivistes et consuméristes.

En revanche chez les plus petits exploitants, les fermes bio ou les modèles d’économie circulaire la flexibilisation des normes agricoles représenteraient un véritable défi à surmonter. Ces types d’exploitations souffriraient d’un déficit compétitif en raison de leurs coûts de production bien plus élevés. Un rapport des Amis de la Terre prévoit ainsi un recul de jusqu’à 9% des volumes de production dans les pays baltes ou les petits exploitants sont ultra-dominants si le traité demeure inchangé.

Aujourd’hui, les règles dans l’espace européen assurent des revenus décents aux producteurs qui ont volontairement choisi de contribuer au développement durable, mais avec le TAFTA ce modèle aurait d’autant plus de mal à se maintenir que les prix des produits diminueraient. Les marchés américains produisent globalement en quantité supérieure et à moindre coût, notamment pour ce qui est des céréales et des élevages bovins. Jusqu’à présent la pénétration de l’agriculture américaine en Europe demeurait régulée par des quotas et des certifications démontrant la qualité des produits, or le TAFTA prévoit justement de lisser les normes et de supprimer les quotas pour faciliter les échanges.

Le dilemme de l’Europe

Face à ce dilemme cornélien – profiter de l’ouverture vers de nouveaux marchés ou conserver ses standards de qualité – la France et l’Europe ont du mal à se décider. Ce qui ressort des débats actuels sur le TAFTA ce n’est qu’aucun des acteurs économiques ne semble véritablement à même de prouver la supériorité des avantages du traité comparativement aux désavantages encourus. Le traité n’est pas arrivé à son stade final, de nouvelles modifications devraient arriver en fonction des points d’achoppements entre l’Europe et les Etats-Unis, reste alors à surveiller de près à ce que les changements ultérieurs se fassent dans le respect des valeurs et des normes européennes en matière de développement durable.